Teresa Flores

Teresa Flores est née sans identité. Elevée dans un orphelinat, elle est celles qui n'existent pas et qui errent dans les couloirs pour ne pas se faire remarquer. Teresa est en vie et, pour la petite fille qu'elle est, c'est le plus important, qu'importe les coups qu'elle reçoit lorsque sa robe n'est pas assez propre ou qu'elle ne sourit pas assez. Elle se dit reconnaissante parce qu'elle respire, qu'attendre de plus ? Teresa n'a rien et s'en satisfait. Ça ne peut être pire, se dit l'enfant, naïve. C'est à l'âge de huit ans qu'elle prend conscience que la vie peut toujours arracher de nouvelles choses. Accusée, à tort, d'avoir poussé une de ses camarades et de l'avoir grièvement blessé, Teresa est renvoyée de l'orphelinat. Elle se retrouve alors à la rue, au jeune âge de huit ans, obligée de voler les étals des marchés pour survivre. L'enfant est agile, un peu trop peut-être. Fantôme cubain, les marchands commencent à la connaître la petite voleuse, et beaucoup ont le désir de lui faire perdre l'usage de ses mains, qu'importe son visage enfantin et sa maigreur. Mais la fillette est étonnante, et elle s'évapore constamment lorsque les situations deviennent dangereuses. Juste en fermant les yeux, elle fait l'exploit de disparaitre – elle se dit alors qu'elle est unique et que, dans le fond, elle a été abandonnée pour une bonne raison.

C'est l'année de ses seize ans qu'elle fait la rencontre d'Ermano Flores, riche homme d'affaire principalement connu pour ses nombreuses alliances avec les américains. La naïveté de Teresa lui fait croire qu'il est avec elle par amour et que sa beauté a su surpasser son jeune âge et sa pauvreté. Il lui offre tout, tout du moins en apparence. De quoi manger, boire, s'habiller. Il lui apprend à se comporter en société et à faire oublier son passé. Il devient son mentor et lui dévoile bien vite des dons semblables aux siens. Teresa n'est plus unique, elle est une sorcière, lui dit-il, et elle l'écoute, elle s'abreuve de ses paroles et de ses conseils. Entre ses doigts experts, Teresa apprend, de la magie sans baguette, elle se perfectionne. Celle sans nom de famille devient Flores et de son amant, elle se dit la nièce. Personne ne doit connaître leur relation, lui dit-il, elle est trop jeune encore. Bien évidemment, elle l'accepte, et pendant six ans, elle devient poupée pour l'homme. Belle et docile, elle est assez obéissante pour lui plaire. Du moins pendant un temps. La naïveté s'envole et le voile devant ses yeux s'abaisse lorsqu'elle le surprend en compagnie d'une autre fille, tout aussi jeune qu'elle lors de leur première rencontre. Rongée par la jalousie, elle ne dit rien, elle encaisse. Jusqu'à ce jour de février, où elle tombe sur le cadavre ensanglanté d'Ermano et sur la pauvre enfant hébétée. Elle lui jure qu'elle s'est défendue et Teresa ne dit rien. Peut-être que dans le fond, elle en est satisfaite.

Soupçonnée du meurtre d'Ermano, Teresa est arrêtée et condamnée. A mort, s'il vous plaît. On ne tue pas un sorcier impunément, surtout un aussi important. Teresa accepte, terrée dans son mutisme, elle se dit que c'est ainsi que doit se finir sa vie. Dans sa cellule, elle fait la connaissance de Luis, jeune homme arrêté pour avoir frappé un américain dans la rue. Est-ce une nouvelle preuve de naïveté ou une façon pour elle de s'échapper ? Teresa n'hésite pas une seule seconde avant de confier, entre ses mains, sa vie. A deux, ils parviennent à s'échapper et à se diriger dans la région des rejetés. Au Darién, ou en enfer, s'il faut préciser. Là-bas, elle apprend à se battre, à lutter pour survivre. Qu'il était bon de réussir à dormir sans avoir la peur de mourir. La disparition rapide de Luis la frappe de plein fouet et lui rappelle qu'elle ne peut plus faire preuve de naïveté quand tout le monde a le désir de l'achever ou pire encore, alors elle apprend. L'enfant se transforme en femme assassine. Elle montre à chacun qu'elle est capable d'avoir la cruauté des plus meurtriers. C'est dans cette région que Teresa fait la connaissance d'un anglais qui lui évoque en premier les Hommes en gris, groupuscule qu'il dit nécessaire. Sans lui parler de leur objectif, dans un premier temps, il lui promet une vie idéale, loin de toutes souffrances et de son passé. Là-bas, il lui évoque une famille et sans hésiter, elle le suit.

A deux, ils rejoignent le Royaume-Uni et Teresa fait la rencontre des Carroll. Celle qui se dit dénuée de toute naïveté est pourtant facile à convaincre. Après tout, qu'à t'elle gagné à être une sorcière ? Si ce n'est la solitude, la mort et la souffrance ? L'enfant sauvage devient soldat. Possédée par l'envie de satisfaire cette nouvelle famille, elle fait de son mieux pour s'intégrer dans son nouveau pays. Elle se fait engager dans le restaurant français du Trèfle-Picques et use des leçons d'Ermano pour s'en sortir. Quoi de mieux qu'un loup dissimulée dans la bergerie ? Et pour faire tomber une société, que de détruire ses piliers ?