Tatiana Romanov

C'est une tempête qui a accueilli sa venue au monde. Un hiver glacial comme la Russie les produit. Et comme l'URSS, fraichement nouvelle, les perpétue. C'est dans la province de Moscou que Tatiana est née, là où les artistes se pressaient pour envahir les pensées de leur nouvel art. De leur modernité, qui excluait toutes les richesses d'antan. Sa mère lui a souvent parlé des fils de fermiers qui s'aventuraient dans les rues d'un Moscou revêtu d'espoir. Ils voulaient s'exprimer, étaient portés par leurs idées jeunes, visionnaires et libres. Et lui avait parlé de ce moment étonnant, mais ses yeux la piquaient rapidement. Et ce n'était pas à cause de leur pauvre appartement, au quatrième étage d'un ancien salon de thé, ou bien du portrait de son père, sur le rebord de leur cheminée. C'était à cause de son histoire. Celle de Tatiana.
Enfant, elle l'avait préservé. Parce qu'il y avait eu l'anarchie, et puis les rebellions, les camps interposés. Il y avait eu cet essor pour une vie meilleure et puis la tristesse de ce qu'était devenu, peu à peu, ce meilleur. Il y avait eu Lénine, et puis surtout, Staline. Ce n'est qu'au moment où la magie de Tatiana s'était éveillée, lui dévoilant un univers étrange mais plus solide, qu'elle avait osé lui parler. Juste après sa première année à Durmstrang lorsque des déportations en masse secouaient les rues de l'URSS, et que les premiers récits d'atrocités virent le jour. La « grande terreur » comme on l'appellera plus tard. Sous l'effigie d'une dictature rouge.

Tatiana se révèle être le drapeau doré. La petit fille, et seule descendante de Nicolas II, dernier tsar de la dynastie Romanov. Du jour au lendemain, sa vie prend la forme d'une vieille histoire. Le triste conte d'un lointain pays. Elle est la princesse inconnue, celle que son pays rêverait de voir mourir. Pour d'autres, ces royalistes qui ne parlent que par murmurent sous peine d'être égorgés, elle est la princesse qui a survécu à l'assassinat de son étrange famille. Mais Tatiana est avant tout un secret. Et elle n'est pas cette légende qui dit que la fille du Tsar ce serait enfouis en Amérique. Non, car elle est petite-fille d'adultère. Son père, décédé d'une longue maladie avant sa naissance, est le fruit d'une liaison entre une danseuse du ballet de Vienne et Nicolas II.
Une boite fermée et cachée retracerait les preuves de leur amour et prouverait la légitimité qu'avait eu son père, à regagner le trône de Russie. Mais celle-ci, Tatiana a toujours été défendue de l'ouvrir durant sa maigre enfance, car selon les vœux de son père, elle est trop dangereuse. Il aurait souhaité qu'elle l'ouvre pour ses 18 ans, à l'unique condition que Tatiana soit dotée de sagesse et de maturité. Peut-être parce que le rouge du soviétisme, comme le disait souvent sa mère, l'avait toujours terrifié.

C'est ce même rouge qui, un beau jour, tombe sur Tatiana. Toujours silencieuse sur ses origines, et racontant la même histoire ficelée depuis sa naissance, elle ne comprend pas pourquoi sa mère l'empresse de rassembler ses affaires et de quitter leur maison, au beau milieu de la nuit. Des sorciers auraient retrouvé sa trace.
Elle n'a jamais su comment. Tout ce que Tatiana retient de cette traque de deux semaines c'est la mort de sa mère, les landes épurées de la Toundra et les profondeurs du lac Baïkal où elle a été sauvée in-extremis de la noyade par l'un de ses poursuivants, Vadim Gorski.

C'est donc à ses 13 ans qu'elle rejoint de force la société de Yama. Si chaque nouvel arrivant peut choisir une nouvelle identité, Tatiana n'a pas ce privilège. Elle subit le nom des Romanov comme une insulte. Les prisonniers comme elle sont affublés d'une surnom, et le sien est tsarevna. Ou tsesarevna, quand les gens crachent sur elle leur dégoût éhonté de l'ancienne Russie impériale. Elle a donc continué son éducation scolaire et magique au sein de la société. Toute sa vie est contrôlée, et ses sorties – comptées sur les doigts d'une main – ont toujours été scrupuleusement encadrée. Elle est le trésor de Yama, et l'emblème de son pouvoir.

Ses années en captivité et son jeune âge lors de son entrée à Yama, ont dressé son caractère. Tatiana est une jeune femme silencieuse qui ne se rebelle pas. Elle ne tient pas tête et se contente d'écouter les ordres, par habitude et résignation. La vérité c'est qu'elle a pleinement conscience de la dangerosité de Yama et de son influence. Elle essaye d'adoucir sa vie entre ses murs et de guetter la brèche. Devenue naïve au fil des années sa connaissance du monde extérieur et à présente détériorée et lointaine. Pour autant, elle sait précisément les raisons de sa présence à Yama et n'a pas oubliée la perte de sa mère. Malgré un aspect candide, Tatiana n'est pas une idiote et est habituée depuis son plus jeune âge à côtoyer les horreurs. Des massacres Staliniens au punitions infligée par la garde de Vladimir Gorski.
La seule personne avec laquelle Tatiana s'exprime avec plus de franchise, de vivacité et de tempérament est son frère, Vadim. Car l'histoire les lie.

Depuis des années, et même si son pouvoir d'action est plus que réduit, Tatiana essaye de retrouver la trace de la mystérieuse boîte pleine de secrets enfouie en Angleterre pendant sa traque.

Quelques nouvelles parviennent parfois au travers de l'épaisse couche que forme les murs de Yama. Phénomène rare, ces derniers temps l'extérieur s'infiltre avec plus de facilité. Sans doute car ses dirigeants semblent moins regardant et paraissent préoccupés. Après quelques réflexions et surtout en apprenant les évènements de Londres parmi les fuites, Tatiana comprend que les deux sont liés. L'intérêt de Yama pour l'Angleterre lui pose autant problème qu'elle ne lui donne espoir. Car si elle permet peut-être d'ouvrir des yeux plus sceptiques sur ce qu'est réellement Yama, elle la rapproche également de sa boite à souvenir dangereuse. Elle pourrait aussi mettre en danger la famille de sorcier chez qui Tatiana s'était réfugiée pendant sa traque et chez qui la boite est cachée.
Entre envie et peur, Tatiana hésite à profiter de Vadim Gorski pour être envoyée en mission à Londres, et contacter lesdits sorciers.