Svetlana Petrenkova

Svetlana est née dans une famille moldue et peu fortunée de Novgorod, sorte de carcan traditionnel mené par un paternel lié aux institutions catholiques orthodoxes. Seule fille au milieu de quatre frères, elle éprouve de plein fouet les hivers rudes et les pénuries alimentaires qui précèdent l'insurrection populaire de 1917, ainsi que l'instabilité politique du pays dans les années qui suivent. Gamine taiseuse et habituée à faire preuve d'une certaine flexibilité vis-à-vis des vicissitudes de l'existence, elle garde pendant longtemps un rôle très effacé dans la cellule familiale, du moins jusqu'à ses onze ans ; comme certains sorciers dans son cas, l'annonce de sa nature auprès de ses parents est source d'un rejet immédiat de ceux-ci, qui se mettent en tête de « guérir » la jeune fille de la déviance qui l'habite. Malgré son caractère d'apparence effacé, Sveta tient tête à ses parents pour la première fois pour rejoindre l'école de sorcellerie de Russie, tout à fait consciente cependant des conséquences qui suivraient, si elle poursuivait dans cette voie. L'été 1921 sera le dernier où elle verra sa famille.

Elle passe ses années d'adolescence à l'école de Koldostoretz, et profite d'un programme d'hébergement permanent en raison de sa situation particulière – mis en place récemment par les nouvelles idées communistes du gouvernement sorcier. Sorcière plutôt studieuse et relativement douée dans certaines disciplines, comme celle des runes noires, elle se retrouve démunie et désargentée à peine sortie de l'établissement, sans endroit où rester. Pendant un temps, Svetlana essaie de trouver un emploi dans le Leningrad sorcier grâce au diplôme obtenu à Koldostoretz ; cependant, la misogynie et les a priori de la société sorcière lui ferment systématiquement toutes les portes qu'elle peine déjà à ouvrir, préférant confier les postes disponibles – et déjà rares – à des hommes de mêmes compétences. Vivotant de petits travaux mal payés, elle commence à fréquenter le milieu bohémien de la ville, qui a la particularité de mêler sorciers et moldus, notamment des poètes, danseurs, peintres et musiciens, pour lesquels elle se propose de jouer les assistantes et les petites mains malgré son peu de compétences manuelles. Débrouillarde, elle est vite acceptée par ceux-ci, et réussit à survivre quelques temps de cette manière, malgré tout de façon très précaire.

En 1934, un ami saxophoniste lui parle d'une offre d'emploi permanente de chanteuse au Pesnya Rusalok, un casino sorcier réputé de la capitale. Sveta s'y présente, et réussit à s'y faire engager, ravie d'enfin acquérir une certaine stabilité. Cependant, elle découvre bien vite que dans ces lieux peu fréquentables, les femmes qui s'y représentent ne sont autres que des courtisanes, faites pour charmer les riches clients venus les admirer – et pourquoi pas les acheter. Coincée par le contrat magique signé, la sorcière n'a d'autre choix que de se plier aux exigences tordues de son employeur, glissant peu à peu vers la prostitution. Elle éprouvera pendant près de six ans cette existence, paradoxalement plus confortable d'un point de vue matériel, mais qui grignote peu à peu sa vivacité d'âme naturelle, noircissant chaque jour ses idées pour leur accorder le goût de la morosité. Une histoire d'amour avec l'un des employés du casino lui offrira, pendant un temps, l'espoir de s'enfuir et de briser le contrat qui la lie à l'établissement, mais l'idylle prendra fin brutalement, avant même qu'elle ait pu mettre à exécution le plan soigneusement monté avec lui.
Le cœur brisé, Svetlana s'adonnera aux ordres du gérant du casino pendant quelques mois encore, avant de réussir à se libérer de son serment ; un soir, elle profite d'un moment de somnolence d'un client pour lui voler son poignard et menacer de l'égorger. L'homme s'avérant être l'un des haut dignitaires de la ville, le gérant du casino n'a d'autre choix que de redonner sa liberté à la soviétique, qui s'enfuira de la région le soir-même, choisissant de disparaitre pour éviter les représailles.

Cette suite d'évènements fait naître dans le cœur de Svetlana un vent de révolte et de volonté d'indépendance. Elle rejoint Petrograd en 1940, changeant de nom et d'apparence, où elle ne tarde pas à rencontrer les représentants d'un courant rebelle, qui ne s'identifie ni au communisme national, ni aux discrètes organisations tsaristes qui évoluent encore dans les recoins de la société. Les idées romantiques de liberté totale la séduisent, et deviennent pour elle une ancre à laquelle s'accrocher, une raison pour laquelle se battre. Souvent mal organisés, et traqués par un gouvernement particulièrement attentif à toute dissidence, ils seront responsables de quelques attentats mineurs au sein des grandes villes soviétiques, sans réussir cependant à échapper aux arrestations, ni à particulièrement marquer les consciences.
C'est en 1948 qu'elle rencontre Freyr, le leader des Sceptiques – une organisation secrète britannique – qui reconnaît dans la vivacité de son caractère et sa rage de vivre, les qualités d'une bonne recrue. Mais c'est surtout les connaissance de la sorcière dans les runes noires – le nom données au type de runes anciennes, déviées de l'alphabet cyrillique – qui pousse le sorcier à la convaincre de rejoindre ses rangs, ce qu'elle accepte sans difficulté, séduite par l'idéologie décrite.