Ondine Bloom

Ondine est née d'une mère née moldue anglaise. C'est toujours ce qu'elle répond quand on lui demande qui sont ses parents, comme si sa naissance était le fruit d'un quelconque miracle divin et que sa mère était la Vierge Marie ressuscitée. Il n'y a pas de père dans l'équation Bloom, juste un géniteur qui a disparu de la circulation quelques minutes seulement après avoir découvert que sa maîtresse était enceinte. Aileen Bloom aurait pu succomber à son désespoir, elle qui n'était alors qu'une fille-mère de dix-huit ans qui avait eu le malheur de croire aux belles promesses d'un homme marié, et c'est bien ce qu'elle a failli faire ce soir de décembre où Ondine a vu le jour. Perchée sur la balustrade d'un pont, son nouveau-né s'époumonant dans le couffin à ses pieds, elle a contemplé le funeste destin auquel elle ne voyait plus aucun moyen d'échapper. Rejetée par sa famille sans un sou en poche, quel avenir aurait-elle bien pu offrir à son enfant ? Qui sait ce qui serait advenu des Bloom si un commerçant du coin, alerté par les cris hystériques du bébé, ne leur était pas venu en aide. Bon samaritain ? Pas tant que ça. Plutôt un homme connu pour exploiter la faiblesse des plus démunis. Il offre un toit et un emploi à la jeune maman dans sa boutique d'apothicaire de l'Allée des Embrumes – cadeau empoisonné, car en acceptant sa main tendue, Aileen Bloom s'enchaîne à la boutique et se crible de dettes.

C'est dans cet environnement qu'Ondine grandit, à récurer le sol et à jouer l'esclave avec sa mère pour le compte d'un escroc qui passe plus de temps à faire les poches de ses clients qu'à leur vendre sa marchandise. Tout ça pour quelques gallions à la fin du mois. Une vie de misère qui la révolte – mais ça, personne ne pourrait le savoir. Elle est discrète Ondine, jamais un mot plus haut que l'autre, on pourrait presque croire que tout lui glisse dessus. C'est qu'on lui a toujours dit de garder ses émotions pour elle, qu'il n'y avait pas de place pour l'égocentrisme dans sa misérable existence. Alors Ondine a appris à se taire. A garder sa colère bien enfouie, à la laisser la ronger en silence. Parfois, on peut voir le reflet de son âme passer comme un éclair dans ses yeux ; tantôt bleu paisible, comme la surface d'un lac, tantôt nébuleux, orage et tempête. Gamine des rues, elle a passé la majorité de son enfance à écumer le Chemin de Traverse. C'est un peu comme sa maison, vous voyez ? Son territoire. Elle connaît par cœur chaque magasin, chaque ruelle, chaque recoin, si bien qu'elle pourrait y naviguer les yeux bandés. Renoncer à sa liberté pour aller s'enfermer entre les murs de Poudlard a été un véritable déchirement dans le cœur de l'aventurière, une torture permanente. Adolescente, elle ne perdait jamais une occasion de s'échapper du château pour fuir dans la forêt, et s'attirait constamment les réprimandes de ses professeurs. Au diable tout ça ; elle a beau paraître la douceur incarnée, Ondine n'a pas de temps à perdre avec l'autorité.

C'est en sixième année qu'elle fait une découverte qui change le cours de sa vie : l'existence d'un demi-frère et d'une demi-soeur, fils et fille légitimes de ce père qu'elle n'a pas connu. Progressivement, la surprise de cette découverte se mue en rage. Elle déteste ce frère et cette sœur à qui le destin a donné tout ce qu'il lui a toujours refusé. Elle les déteste à un point qui la dépasse. Et plus le temps passe, plus cette haine prend le pas sur la vie de la douce demoiselle et de son esprit fragile. Fragile, certes, mais pas faible ; Ondine, elle en a bien plus dans le ventre qu'elle veut bien le montrer. C'est peut-être pour cette raison qu'à la seconde où elle a terminé sa scolarité, elle a choisi de s'enfuir de l'échoppe du Chemin de Traverse où elle a grandi, quittant sa mère à regret, pour rejoindre l'allée des Embrumes. Là-bas, Ondine se fond dans les ombres, se laissant emporter dans les affaires de l'Aube Noire pour gagner de l'argent, attendant l'heure bénie où elle pourra déchirer d'un grand coup de poignard le tableau parfait de la famille Smethwyck.