Mai Chang

Née dans un village prônant la droiture, Mai a souvent eu l'audace d'errer bien trop longtemps dans les bois environnants, au grand damne de ses parents, mais après tout, pourquoi donc se méfier ? Pourquoi ne pas suivre son père lorsque ce dernier sort tard la nuit pour une raison que l'on refuse de lui dire, pas encore, pas pour le moment, parce qu'elle est trop jeune pour comprendre ? Pourquoi devrait-elle écouter sa mère lorsqu'elle lui dit de bien fermer la porte de sa chambre à clé et de se terrer au plus profond de son lit lorsque la lune est pleine ? Quand elle lui conte de terrifiantes histoires sur des loups trop grands, trop violents, des monstres à massacrer sans la moindre pitié ? Peut-être que si on avait eu le courage de lui dire les choses, elle aurait appris assez tôt à obéir. Bien souvent, on raconte qu'une personne qui subit un événement traumatisant ne se souvient pas de l'instant fatidique, pourtant, malgré ses six ans, Mai se souvient encore de chaque seconde, de chaque dent tranchante transperçant la chaire de son bras. Elle se souvient également des hurlements de son père lorsqu'un sortilège a frappé le monstre et que son souffle, brûlant de rage et possédant encore l'odeur du sang, a effleuré son visage juste avant qu'elle ne s'effondre. La douleur ne l'a pas quittée durant les jours qui ont suivi, elle perdure encore, au plus profond de son âme. Quoi de pire pour une famille de chasseurs que d'avoir le monstre dans leurs rangs ? Sauvée par sa mère, la petite fille est envoyée au plus loin, se perdre dans les montagnes du Groenland, avec l'espoir que ses nouveaux gardiens trouvent une façon de la guérir pour qu'un jour elle puisse revenir - ou mourir. Espoir vain. L'enfant curieuse est devenue adulte, femme rancunière qui n'a jamais accepté qu'on l'efface.

Ses années à Timmiaq lui apprirent à survivre, et lui permirent d'apprendre, de comprendre sa malédiction. Mais c'est sa rencontre avec les Humanistes et principalement avec Freyja qui marquera un véritable tournant dans sa vie. Elle, le loup blessé, la bête incarnée, s'est alors vue réconforter. Elle n'est pas monstre, elle est, tout simplement et peut-être que dans le fond, c'est cette différence qui fait d'elle un être supérieur. Dans ce groupuscule, elle trouve sa place, elle n'est plus une rejetée, elle est appréciée, elle appartient à quelque chose. Elle existe sans avoir à nier qui elle est. Pour la première fois, Mai vit pleinement. La bête est-elle et elle est la bête, c'est cette découverte qui la pousse à ne plus vivre dans le dégoût d'elle-même. Botaniste, elle apprend à être une femme normale la journée et même certaines nuits lorsqu'elle erre dans les rues, mais lorsque la lune est pleine, elle laisse parler le loup, dévorant les âmes traîtresses et celles que les humanistes veulent voir tomber. Au service de Freyja, Mai n'hésite jamais à montrer les dents lorsqu'une once de danger pointe le bout de son nez. Après tout, pourquoi dissimuler la violence qu'elle possède en elle ? Pourquoi enfermer le loup quand il peut s'exprimer et servir ses intérêts ?