Letha Bulstrode

Letha, c'est un ton mordant, un sourire comme une lame. Toujours à double tranchant. Elle a grandi au sein d'une famille de sang-pur tout ce qu'il y a de plus classique, bien sous tout rapport, irréprochable en apparence — Papa est riche, Maman est une belle femme du monde, les deux rejetons sont bien élevés. Le tableau est sans défaut. Comme toujours avec les jolis décors, en coulisses, les choses sont un peu plus sordides. Mrs Bulstrode n'a jamais aspiré à avoir d'enfants, encore moins deux. Pour elle, ils sont un poids, une entrave à sa vie de femme, des parasites qui lui ont volé ses plus belles années, et ça, c'est une chose que la petite Letha a bien vite assimilé. Gamine, elle fuit sa mère, redoute de croiser sa haute silhouette dans les couloirs, de peur de lire sur son visage l'amertume que la seule présence de sa fille lui fait ressentir. Cette amertume, Letha en est imprégnée. C'est ainsi qu'elle s'est construite, sous des strates et des strates de fatalisme. L'existence est une bataille déjà perdue.
À Poudlard, elle rejoint les verts et argents, au grand soulagement de sa famille, qui craignait qu'elle ne suive le même chemin que son frère. La vérité, c'est que Letha a tout d'une vipère. Le sang froid, ça la connaît. Elle l'utilise pour calculer les situations, déterminer quelle attitude l'amènera là où elle le désire. Pour elle, tout est une question de stratégie ; elle ne se laisse jamais aller à ses émotions. Elle donne souvent l'impression de se moquer du monde, peut-être parce que c'est réellement le cas. Elle a toujours cet air sardonique, comme si tout n'était qu'une vaste plaisanterie. Elle ne prend rien au sérieux, sauf peut-être une chose. Sa plume. L'écriture est un refuge lorsque la solitude indélogeable qui l'accompagne depuis toujours devient trop pesante. Les personnages que Letha décrit sur le papier, elle prend un malin plaisir à interpréter leurs rôles dans la réalité. Elle s'improvise caméléon, incarnant toutes les facettes d'un prisme. Elle aime jouer à être quelqu'un d'autre qu'elle-même, et c'est peut-être pour cela que si peu de gens parviennent à la cerner. Elle se trouve pourtant bien simple, Letha ; une gosse de riche qui se repaît dans le luxe et dans la facilité, qui s'amuse à appuyer son doigt sur les faiblesses des autres pour oublier les siennes, à séduire et à se lasser. Peu après sa sortie de Poudlard, Letha découvre que son père entretient des liaisons avec des hommes. Elle sait qu'elle tient un secret léthal entre les doigts ; la réputation de son père, le futur des Bulstrode tout entier. De toute sa famille, c'est peut-être que lui qu'elle a toujours le plus apprécié, malgré sa distance, malgré son air lointain, mais désormais il l'évite comme la peste, terrifié par le poids de ce secret qui repose entre eux.
À l'insu de ses parents, elle devient pigiste pour la Gazette du Sorcier, et rédige des reportages sous un pseudonyme, espérant pouvoir un jour leur envoyer ses écrits, remisés au fond d'un tiroir. Mais à la Gazette, c'est autre chose qu'on voit en elle ; son talent pour déterrer les secrets. Cette petite sang-pur aux dents longues qui tient tant à faire ses preuves, et qui semble si bien s'y prendre pour fouiner là où il ne faut pas, on l'utilise sans scrupules dans des missions d'investigation, peu importe la dangerosité du travail. Son statut de sang est trop utile pour être ignoré, surtout puisqu'il s'agit de la fille de la directrice de la Fondation Bulstrode, maintes fois soupçonnée de corruption. Pour Letha, c'est une aubaine. Travailler dans le dos de sa mère pour lui mettre des bâtons dans les roues ? Plutôt deux fois qu'une. Jusqu'au jour où l'une de ses filatures tourne au vinaigre. Elle se retrouve empêtrée dans les affaires de l'Aube Noire, pour le meilleur et pour le pire.