Lenore Avery

Lenore, la tendresse. Lenore, deux yeux clairs au goût de rêverie, au goût de vie.
C'est une gamine profondément douce, et la chose pourrait être confirmée de tous. Bienveillante, touchante, elle a cette façon de vous regarder qui apaise tous les maux sans avoir à prononcer le moindre mot, elle a cette innocence au creux du sourire, la fossette subtile, le rire cristallin et volatile. Lenore, elle est précieuse. C'est une pierre opaline, quelque chose à l'éclat timide et fragile, mais qu'on n'observe jamais aussi bien que blottie au creux des mains.
Sauf que son nom est Greengrass.
Vous connaissez la famille des Greengrass ? Famille de sangs-purs, éducation à la dure. Surtout pas d'amour qui dure, juste des contrats, des arrangements, des manipulations, des certitudes, des arbres généalogiques à n'en plus finir, un dégoût de la liberté, une adoration des convenances, de la bienveillance. Pour Lenore, pas de chance. Autour d'elle, tout n'est qu'illusion alors qu'elle n'est que naturel. Et toute son enfance, elle se sent perdue dans ce monde aux milles miroirs qu'elle voit comme un immense mouroir. Le sien. Car l'ambition et l'organisation minutieuse que réclament ses parents à son égard sont à un million de kilomètres de ses valeurs, des tourments qui animent son cœur. Lenore étouffe, alors elle prend l'habitude de se réfugier au sein de la seule pièce du manoir Greengrass dans laquelle elle se sent à son aise ; la bibliothèque. Et elle lit, encore et encore, lorsque lui permettent les leçons du vieux professeur particulier assigné par ses parents. Elle s'échappe, fuit le poids lancinant qui pèse sur ses épaules, la phrase fatidique ; Lenore, tu seras une bonne sorcière, une bonne épouse.

Il est peu étonnant qu'une fois à Poudlard, elle fut répartie à Serdaigle. Sauf qu'au sein de sa famille, la nouvelle eut l'effet d'un raz-de-marée ; comment, une Greengrass à Serdaigle et pas à Serpentard ? Il doit y avoir une erreur, pensez-vous ! Ou alors, l'erreur, c'est elle. Uniquement elle. Suite à cette nouvelle, non seulement ses parents devinrent plus durs encore avec elle, mais également l'entièreté de sa famille qui se complaisait dans les piques et remarques les plus mesquines, rappelant la honte qui pesait sur leur branche. Lenore commença alors à considérer Poudlard comme sa réelle maison et famille, préférant largement ses couloirs emplis de rires aux pièces glacées du manoir parental. Et puis il faut dire qu'à l'école, peu sont ceux qui puissent prétendre avoir quoi que ce soit contre la jeune Lenore ; non mais vous avez vu son sourire ? Cette douceur pourrait faire oublier le pire. Elle est précieuse, Lenore, alors on l'affectionne. On l'adore. Et si la jeune fille arbore toujours cette mine sereine, sachez cependant qu'intérieurement, elle sent sa liberté et son indépendance se grignoter peu à peu ; car l'été dernier, elle a été vendue. Marchandée. Fiancée... Et puis mariée, à Ambroise Avery. Et si la jeune femme a d'abord accueilli cette nouvelle avec désarroi, elle ne peut s'empêcher d'y voir désormais une façon pour elle de racheter la honte jetée sur sa famille, et d'en décimer les tensions…