Leander Bulstrode

Dans les rangs des Bulstrode, Leander s'est toujours senti un peu à part, comme s'il avait la capacité d'observer sa famille à travers des lunettes très spéciales, capables de lui montrer tous leurs travers et leur sens moral déplacé. Il n'a jamais vraiment compris l'intérêt de la fondation de sa mère, ni comment elle pouvait rire d'un si joli rire en public et le gronder avec une telle virulence derrière les portes closes. Il n'a jamais compris cette étrange expression : « sang pur ». Comment une famille aussi sordide que la sienne pouvait-elle prétendre à la moindre pureté ? Mais Leander, loyal, a essayé. Il a essayé en dépit du mépris de sa mère, de l'inattention de son père, d'être le fils que tout le monde serait fier d'avoir. Jusqu'à son entrée à Poudlard, très précisément l'instant où l'on a posé le Choixpeau sur sa tête, et où il a prié si fort pour rejoindre les serpents. Mais son destin avait déjà été tracé autrement. C'est chez les jaunes qu'il fait son entrée, au grand désespoir des Bulstrode, et du sien aussi. Mais ce qu'il ressent, c'est surtout du soulagement ; parce qu'au fond, c'est ce qu'il avait toujours voulu. Là-bas, il apprend que sa différence n'est pas une tare, ni de l'ingratitude envers sa famille. La plupart de ses amis sont des nés-moldus, ce qui n'est pas au goût de ses anciens camarades de jeu sang-pur. Pour se défendre, Leander est obligé d'utiliser la force que la nature lui a doté. Il n'a jamais eu le goût de la violence, mais face à la bêtise humaine, c'est la seule méthode qui semble fonctionner.
L'écart qui le sépare de sa famille se transforme en gouffre au fil des années. Il retourne rarement au manoir familial, peu désireux de faire face aux piques acérées de sa mère, au silence de son père et au dédain à peine masqué du reste de la lignée. Sa vie, Leander peut s'en targuer, il se l'est construit lui-même. Brique par brique, gallion après gallion, avec des petits boulots salement payés. Il ne doit rien à personne, et sûrement pas à la fortune de ceux qui l'ont élevé. Lui qui a toujours préféré la compagnie des créatures magiques à celle des humains, plus naturelle, plus honnête, se fait embaucher comme soigneur au Zoo des Carpathes. Il se porte volontaire pour s'occuper des animaux les plus dangereux. De la folie ? Certainement, si la passion peut-être décrite ainsi. Cette passion, il en portera toujours les stigmates ; d'horribles cicatrices blanches sur son dos, vestiges de la fois où il a été lacéré par une créature pendant un moment d'inattention. N'importe qui de sensé aurait rendu son tablier, traumatisé. Leander, lui, s'est juré de faire plus attention. Après tout, c'était de sa faute, pas celle de la créature. Les animaux en cage n'ont jamais tort.
Si Leander a rejoint les Sceptiques, c'est pour la même raison que lorsqu'il collait son poing dans la figure de ses anciens amis, à Poudlard. La bêtise humaine ne connaît que la violence. Leander a beau respirer la bienveillance, l'affabilité tranquille, il y a quelque chose chez lui qui rappelle ses origines. Le port gracieux de son cou, peut-être, ou ces moments d'inattention où il se dégage de lui quelque chose de vipérin. La fausse accalmie du serpent qui dort.