Frederik Travers

Aileas et Federik Travers sont deux âmes indissociables. L'une souffre, l'autre pleure. L'une ressent, l'autre s'exprime. C'est ainsi qu'était destinée leur existence, car, comme les légendes le disent, les jumeaux sont attachés, censés s'aimer, s'accrocher l'un à l'autre jusqu'à la toute fin. Les Travers ne sont pas bien différents de ce que content les murmures, si ce n'est leurs éternelles disparités. Quand elle était la rejetée, l'effrayante, la mal-aimée, lui était l'adoré, l'héritier d'une famille cherchant à se racheter, en exposant leur petit protégé - compréhensible, lorsque l'on sait à quel point il est important de propager le nom de leur famille. Il épousera une fille avec une bonne position et ils offriront un fils pour perdurer la tradition. C'est tout, ne cherchez pas un amour caché de la part de ses parents, derrière leur envie de le montrer au monde, parce que Frederik n'est pas un garçon qu'ils apprécient. Il est trop insolent, avec ses sourires moqueurs et ses airs prétentieux. Il est révoltant. Parce qu'il rit, parce qu'il agit comme le pire des garçons, qu'il se croit supérieur ou prétend que cette idée est parole d'évangile. Leur fils est paresseux, il ne fait rien, ou seulement le strict minimum. Il se plait à jouer l'intouchable avec un naturel si bien mimé que le masque semble réel. L'héritier, le mariage, ses parents l'auront, tant que lui peut s'amuser. Profiter de ce que son nom peut lui apporter. Frederik est un serpentard, un de la pire espèce, rampant dans l'ombre pour attaquer ceux qui peuvent le contrarier. Pourtant, il n'est pas sans cœur, sans âme, sans peur. Frederik ressent, pire, il est souvent compatissant. S'attaquer à une victime blessée ? Plutôt crever. Le garçon est une éternelle contradiction, celui qui mord et ensuite s'excuse. Il n'est pas sombre, son cœur n'est pas noir comme certains de ses camarades, il est gris, ambré, emplit de nuances à dévoiler derrière son habituel sourire.

Toujours heureux ? Toujours intouchable ? Mensonges, parce qu'il y a sa sœur, la discrète Aileas, celle que l'on refuse de croiser. Lui, il n'a pas le choix, il est obligé de l'affronter. Non, de la protéger. C'est ça, c'est le vocabulaire qu'il doit utiliser quand il s'agit d'expliquer qu'il est là pour elle. Sa jumelle est sa responsabilité. Sans lui, elle va finir par mourir, souffrir, se faire enfermer au pire. Elle n'est pas assez douée pour dissimuler ses émotions, contrairement au garçon. Alors parfois, quand ce poid devient trop lourd, il l'évite, il se perd dans la foule en sachant qu'ici elle ne pourra le trouver, elle le terrifie autant qu'il peut l'aimer, parce qu'il sait qu'à la fin, ce sera ses yeux qu'il verra en dernier. Ça, ce n'est pas lui qui l'a décidé, mais la prophétie que ses parents leur ont montré quand ils n'étaient que des enfants innocents que la vie n'avait pas encore marqué, dans l'unique but de connaitre leur funeste destiné. Un mariage, un enfant et une mort précoce. C'est tout ce qu'il aura et ce avant ses trente ans. Alors il faut profiter, qu'il se dit.
Pourtant, plus le temps passe et plus l'idée de cette mort le ronge. C'est que sa vie elle lui plaît et qu'il refuse l'idée qu'il puisse mourir avant d'en avoir pleinement profité. Sans se concerter avec Aileas, il rejoint les humanistes dans l'espoir qu'ils puissent le sauver. Qu'ils aient la possibilité de changer le futur pour le sauver lui. Qu'importe si cette quête est désespérée.