Camilla Deslauriers

Camilla Deslauriers est née Jane Lacombe, sur l'Île-du-Prince-Edouard, au Canada. Mais ça, elle ne vous le dira pas. Ce qu'elle racontera, c'est qu'elle a vécu sa tendre enfance dans une petite ferme minuscule, entourée de ses frères et sœurs et de ses parents aimants, que déjà très tôt elle a montré de grandes aptitudes pour la magie, et qu'à l'âge adulte, sa petite île natale est devenue trop étroite pour elle. Elle aime cultiver cette image pittoresque, qui correspond si peu à son image de femme sophistiquée, car elle ne pourrait pas être plus loin de la vérité. La vérité, c'est qu'elle n'a pas vécu dans une ferme, au milieu des vaches et de la paille, non, elle a vécu dans une famille connue pour n'avoir dans ses rangs que des sorciers talentueux. Camilla, alors Jane, est l'aînée de cinq enfants ; elle a assisté à chacune des prouesses magiques de ses frères et sœurs, les a jalousé en silence tandis que pleuvait sur eux l'admiration de ses parents, dont elle a toujours été privée. Car Jane, elle, n'a pas eu la chance d'être dotée de pouvoirs magiques à la naissance, à croire que sa bonne fée l'avait déjà oubliée. Dans la vie mondaine, elle est ignorée, reléguée sur le côté. « Qui ? Jane ? Ne vous préoccupez pas d'elle. Elle cherche juste à faire son intéressante ». Les parents de Jane n'ont jamais pu accepter d'avoir mis au monde une enfant cracmol, et ont toujours prétendu que c'était de sa faute si aucune magie ne lui venait, qu'elle n'essayait pas assez, ou pas correctement, qu'elle cherchait à se démarquer. Si seulement ils avaient pu comprendre que leur fille ne désirait rien de plus au monde que de s'intégrer.

Elle a seize ans lorsqu'elle prend le bateau pour l'Angleterre, laissant Jane derrière elle. Jane est morte au Canada, et c'est dans les eaux profondes de l'Atlantique qu'est née Camilla. À Londres, la jeune fille se fait embaucher dans un pub moldu, ayant eu la chance de tomber sur un patron peu regardant sur l'âge de ses employés. Avec la lenteur du papillon qui émerge de sa chrysalide, Camilla a commencé sa transformation. La petite chose renfermée, taiseuse et sauvage, qui regardait le monde avec une prudence maladive commence à s'imprégner de son nouvel environnement pour l'apprivoiser. Ici, il n'y a personne pour lui dire qu'elle ne se montre pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être. Il n'y a personne pour lui lancer des regards méprisants, entendus. Elle n'est plus la bête noire des Lacombe. Elle aurait pu rester dans ce pub toute sa vie, Camilla, mais elle a beaucoup trop d'ambition pour cela. Elle veut prendre sa revanche sur ce monde qui l'a rejeté.

Il lui aura fallu bien des années et bien des mensonges, mais Camilla a fini par réussir à y tisser sa toile. Elle évolue dans cette société sorcière, vilain petit canard déguisé en cygne, et personne ne pourrait soupçonner un seul instant que Camilla Deslauriers est une fabulatrice née. Voyez un peu l'élégance avec laquelle elle s'exprime, l'éloquence de ses paroles. Elle a le don pour captiver ses interlocuteurs, l'art et la manière de mentir comme un arracheur de dent. « Quelle sorcière élégante ! Elle s'est fait toute seule, vous savez ? ». Sur ce point, ils ont raison — elle s'est fait toute seule. Ou presque. Le soutien de Die Flügel der Seele a été un atout indispensable lors de son ascension sociale, lui permettant de grimper les échelons du Ministère jusqu'à devenir le directrice du Bureau de désinformation. Camilla sait qu'elle s'est associée à une organisation dangereuse, à laquelle elle n'a cessé de mentir depuis des années, mais c'est pour elle le prix de la réussite. Elle a eu des années pour façonner l'image qu'elle renvoie : une femme apprêtée dans ses manteaux de soie, séductrice, envoûtante. Elle impressionne, intimide, et en joue, poussant le vice jusqu'à l'extrême. Ses employés la surnomme la Diablesse. Pourtant, il y a toujours en elle une certaine appréhension lorsqu'elle marche dans la rue, un nœud au creux de son ventre qu'elle n'a jamais réussi à déloger. La peur d'être percée à jour.