Asger Filch

Il y a une règle, dans la famille Filch. On se conforme. On est ce qu'on nous demande, ce à quoi on est destinés. Pas à la manière des sangs-purs, en arrangeant des mariages à bout de bras et en méprisant les nés-moldus. Plutôt en ne discutant pas les ordres instaurés par l'autorité patriarcale en terme de ce qu'il faut être, ce qu'il faut dire, ce qu'il faut aimer. Et chez les Filch, on est médicomages de parents en enfants. Aucun choix à votre portée, je vous le dis, vous avez intérêt à vous conformer. Chez les Filch, on est doués ou on n'est pas. On excelle, ou alors ce n'est pas la peine. De quoi ? D'être, simplement, basiquement. Il n'y a pas de gris, d'entre deux. Juste du noir, et du blanc. Alors depuis tout petit, on apprend à Asger à reconnaître les plantes, leurs vertus, on l'emmène à Sainte-Mangouste pour voir les malades, les blessés. Ça ne lui plait pas, ça ne lui plait pas de voir la mort comme ça, et puis il n'aime pas ce poids sur ses épaules trop frêles. Cette idée. Se conformer, vous savez ? Il ne veut pas être ce qu'ils veulent, il ne veut pas céder aux injonctions d'un Hector Filch bien trop strict, ni ployer sous les disettes d'affection. Ou plutôt, les famines. Car une chose est sûre, on ne montre pas qu'on aime, dans cette famille. Alors depuis l'âge de dix ans, Asger a pris l'habitude de se taire. Se taire oui, simplement. On le croit enfermé dans sa bulle, en pleine crise d'inattention, mais n'en croyez rien. De vous, de tout, il est parfaitement conscient. Trop, peut-être. Mais ça, il ne le montrera pas, au même titre que ses capacités mentales, son esprit un peu trop vif pour un gamin de son âge. Surdoué, qu'on pourrait dire. Mais ça, jamais il ne le révèlera, car ça voudrait dire coller à ce qu'Ils voudraient, ce serait crouler sous la pression d'une idée de perfection, ce serait être le fils dont ils ont rêvé et crucifier sa liberté à tout jamais. Alors Asger joue. On le croit moyen, moyen à tous les niveaux. Moyennement aimable. Moyennement intelligent. Même ses yeux sont gris, le gris des salles de retenue et des ciels moroses. Seul le Choixpeau ne rentre pas dans son jeu, et l'envoie à Serdaigle à la surprise générale ; mais malgré tout, son petit jeu continue à Poudlard. Il collectionne les notes médiocres comme les perles d'un collier aux couleurs de la liberté, et s'il étudie, ce n'est qu'en secret. Car voilà, Asger a bien une passion. Interdite évidemment, celle des dragons. Ils le fascinent, mais ce n'est pas acceptable chez les Filch, vous pensez. D'ailleurs, si vous vous demandez la raison pour laquelle les géniteurs d'Asger ne se préoccupent pas à outre-mesure de voir leur fils évoluer dans une médiocre moyenne, c'est parce qu'il y a pire de quoi s'occuper. C'est qu'Asger a un petit frère. Argus. Et Argus est un cracmol. Chez les Filch, c'est une honte, c'est impensable, intraitable. Si Asger est en disette d'amour, ce n'est rien en comparaison de son cadet. Il est méprisé. C'est même à peine si on essaie de le cacher. Le problème, c'est que l'ainé ne peut supporter les attaques répétées, tout comme il sait qu'il ne peut répliquer. Alors il se mure. Il construit peu à peu des armures. De sa bouche ne sort plus aucun murmure, ou presque. Il étouffe. C'est qu'il attend désespérément son heure, celle où il pourra enfin partir, s'échapper, voguer, vaquer, voyager. Voir quelques dragons, peut-être. Surtout, exister comme il est, sans jouer les à moitié ni se conformer. Être, tout simplement.
Après ses études à Poudlard, il fait mine de céder à la pression familiale en acceptant un poste de stagiaire à Ste-Mangouste – dans lequel il ne s'épanouit que très peu. Mais en secret, il est l'assistant de l'acariâtre Gareth Hallaway, et le rejoint chaque fois que la chose lui est possible sur les Îles Bøjger ; un mensonge auquel semble adhérer ses parents pour le moment, mais qu'il sait assez fragile pour se briser à tout instant.